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Fahmia Al Fotih était en Master de Relations Internationales à l’Université de Westminster.

Je suis née dans un minuscule village de montagnes au Yémen. Je suis la première fille mais la troisième de ma fratrie. Avant d’aller à l’école, j’ai fait ma maternelle sous un arbre, où un vieil homme nous apprenait l’alphabet arabe et à mémoriser les versets du Coran. J’ai un souvenir très vif de l’heure de marche que je devais faire chaque jour pour me rendre dans l’unique école, au sommet d’une montagne, où je retrouvais les élèves des différents villages avoisinants. Dans notre école, il n’y avait ni tables ni chaises, nous devions nous asseoir à même le sol nu de la salle de classe.

Malgré mes cinq ans, je devais contribuer au bon fonctionnement de mon village : aller chercher de l’eau, faire paître les animaux, participer aux récoltes, aider ma mère aux diverses tâches domestiques. Traditionnellement, les filles devaient se consacrer aux « principaux rôles et missions qui leur incombent naturellement » de façon à les préparer à devenir de bonnes ménagères. Donc, lorsque j’étais petite, je n’imaginais pas qu’il puisse exister un autre univers au-delà de mon petit village et qu’un jour, j’irais à l’étranger !
Dans une société où les filles ne peuvent pas s’inscrire à l’école, mon collège était vraiment exceptionnel car j’étais la seule fille dans un établissement de garçons (en général, une fille avait de la chance si elle pouvait aller jusqu’en sixième). Grâce à Dieu, mon père est extraordinairement ouvert d’esprit et m’a soutenue. Mon père était encore étudiant quand nous sommes nés. Il s’est efforcé de nous donner la meilleure éducation possible et a insisté pour que nous allions à l’école et nous a motivés à travailler dur et faire de notre mieux. Issu d’une famille où ses propres parents n’avaient pas été scolarisés, mon père a heureusement accordé beaucoup d’importance à l’éducation. Il était convaincu de la valeur fondamentale de l’éducation aussi bien pour les filles que pour les garçons. Il nous a transmis cette conviction. Donc, durant le collège, j’ai obtenu de très bons résultats. J’avais soif de connaissance depuis l’enfance, et quand j’ai enfin terminé le collège, je voulais aller encore plus loin.

Les filles qui étaient au CP avec moi sont aujourd’hui mères de cinq ou six enfants. Cela paraît incroyable mais c’est la norme au Yémen. Je pense que j’ai eu énormément de chance d’échapper à ce destin.

Aller à l’université n’a pas été très facile non plus : je voulais étudier les médias mais je n’étais pas la bienvenue dans une société patriarcale où les femmes sont rabaissées. J’ai dû étudier la littérature anglaise à la place, pour devenir enseignante. Je mettais 1h30 chaque jour pour me rendre à l’université. Pendant mes études supérieures, j’ai commencé à contribuer aux premiers journaux quotidiens de langue anglaise au Yémen. Après mon diplôme, je suis officiellement devenue journaliste et j’étais la seule femme de la rédaction. Le journalisme était comme un refuge grâce auquel je pouvais exprimer mes opinions en toute liberté, en essayant de faire une différence dans la vie des gens au quotidien, en créant des liens entre eux, en contribuant à ce qu’ils se comprennent mieux et en corrigeant les stéréotypes et les traditions figées. En plus de mes activités journalistiques, je donnais des cours à de jeunes garçons et filles, ce qui était un excellent complément.

Au collège et à l’université, je ne me rappelle pas d’une seule journée où je n’aie pas été harcelée ou insultée en public car je ne portais pas le voile, défiant ainsi la norme sociale. Ces épreuves ont fait de moi une femme plus forte : je n’hésite pas à remettre en cause l’immobilisme, je fais tout mon possible pour lutter contre les injustices autour de moi. J’avais un rêve et j’ai lutté pour atteindre l’excellence académique, avec la volonté constante de tirer le meilleur parti de mon cursus.

Obtenir la bourse de la Fondation MBI Al Jaber a été un moment déterminant pour moi. Pendant trois années d’affilée j’ai raté la date limite de dépôt des candidatures. La troisième fois, j’étais tellement déterminée que je n’ai pas quitté le site web MBI. J’ai posé ma candidature dès que j’ai vu l’annonce, deux mois avant la date limite, et j’ai envoyé l’annonce à mes amis. Le processus de sélection a pris beaucoup de temps, à tel point que j’ai commencé à perdre espoir. Mais un appel de Londres m’annonçant que j’étais présélectionnée m’a rassurée et redonné le sourire. Puis il y a eu l’entretien téléphonique. Je raconte toujours l’ensemble du parcours de sélection à ceux qui me posent des questions sur MBI. Et je leur précise aussi à quel point MBI est équitable et transparente. La Fondation ne laisse la place ni aux passe-droits ni au piston.

J’ai été parmi les sept boursiers qui ont eu la chance d’être sélectionnés. J’ai choisi Londres et l’Université de Westminster pour faire mon Master, j’ai eu le plus de chance. J’ai opté pour un cursus en relations internationales car je tiens vraiment à jouer un rôle dans un monde en évolution constante, dans les débats et l’élaboration des politiques publiques.

Mon cours de Relations Internationales a été un vrai défi car je n’avais pas de diplôme de sciences politiques et j’ai dû redoubler d’efforts. Cependant, cette nouvelle expérience a été intéressante à plus d’un titre. J’étais immergée dans un système scolaire très différent de celui que j’avais toujours connu chez moi : j’étais très impressionnée par la diversité du Londres cosmopolite, l’égalité hommes-femmes, la liberté et les droits de l’homme, choses qui n’existent pas dans ma culture. J’ai pu étudier avec une myriade d’étudiants d’origines différentes, ce qui m’a également permis de mieux comprendre d’autres cultures. J’ai eu la chance d’habiter avec une adorable famille britannique et de vire une expérience authentique au plus près de la culture anglaise. Faire mes études à Londres à l’Université de Westminster m’a libérée et m’a permis, non seulement de découvrir des sujets très variés dont les médias, les « gender studies » et la politique, mais aussi et surtout de me découvrir moi-même. J’ai appris à penser au niveau global et à agir à mon échelle. Chose incroyable, j’ai été nommée « Westminster Ambassador » pour l’année scolaire et cela m’a donné l’impression que je pouvais réellement devenir ambassadrice au Yémen. J’ai été impliquée dans les activités académiques et extra-scolaires et j’avais un poste à temps partiel au centre IELTS à l’université. Une expérience inestimable.

Les bénéfices de la bourse MBI ont été tellement nombreux tout au long de ma scolarité. Grâce à la Fondation MBI Al Jaber, j’ai pu participer à une conférence à Londres où j’ai rencontré de nombreuses personnes formidables avec lesquelles j’ai pu réseauter et qui m’ont aidé professionnellement. À mon retour, une dame qui avait fondé Women Without Borders (Femmes Sans Frontières), et que j’avais rencontrée à Londres, m’a contacté, ce qui a permis de lancer la branche Yémenite de SAVE (Sisters Against Violent Extremism), la première plateforme féminine anti-terroriste. J’ai dirigé SAVE au Yémen et j’ai représenté l’organisation lors de nombreuses conférences internationales mais en raison du soulèvement populaire et de la détérioration des conditions de sécurité dans la région et au Yémen, nous avons dû mettre un terme à nos activités.

Néanmoins, mon Master m’a ouvert de nombreuses portes et offert plusieurs opportunités et j’ai reçu plusieurs offres de postes d’organismes internationaux très réputés. Londres était l’endroit où il fallait être et les relations internationales le bon cours pour moi. Cette expérience a été extrêmement gratifiante aussi bien au niveau professionnel que personnel. Je suis devenue une citoyenne du monde.

Actuellement, je travaille à l’UNFPA, le United Nations Population Fund, en tant qu’analyste communication. Je fais de la sensibilisation à la santé reproductive, aux droits en matière de reproduction, aux problématiques démographiques et à celles liées à l’égalité hommes-femmes. L’objectif est de contribuer à faire baisser la mortalité maternelle au Yémen (l’une des plus élevées de la région) et à aider l’UNFPA local à améliorer ses actions et ses modes d’information et de communication. Comme nous travaillons sur de nombreuses problématiques, je fais aussi la promotion de la politique et du programme de déploiement de l’UNFPA et je travaille auprès des partenaires, de la société civile, des médias locaux et internationaux et du grand public. C’est une mission exigeante et stimulante car le mandat de l’UNFPA est sensible d’un point de vue culturel, donc la communication joue un rôle primordial pour gérer les situations mentionnées ci-dessus de la meilleure façon possible, culturellement.

Dans un contexte de troubles politiques et de soulèvement populaire dans la région, j’ai la chance de gérer les problématiques liées à la jeunesse pour l’UNFPA. Cela me permet de travailler avec les jeunes et de bâtir des projets et des programmes pour eux, ce qui est extrêmement motivant. J’apprends également beaucoup.

Récemment, j’ai été sélectionnée par le Département d’État américain pour participer au prestigieux programme « International Visitor » sur le thème « Éducation et militantisme pour les jeunes femmes ». C’est un programme multi régional auquel contribuent 17 pays. Je suis absolument ravie de pouvoir représenter mon pays dans le cadre d’un évènement de ce calibre. C’est une occasion en or de découvrir la culture américaine, son système scolaire et politique ainsi que la société civile et de nombreux autres aspects. Pour être honnête, à chaque fois que j’y vais, je ne peux pas m’empêcher de comparer avec Londres et la Grande-Bretagne (Londres est mon premier amour). Aux États-Unis, j’ai vécu une expérience d’une richesse inestimable où j’ai puisé énormément d’inspiration et appris beaucoup. Certaines des idées que j’utilise et compte mettre en œuvre viennent de mon séjour aux États-Unis.

J’espère réellement que tout le travail accompli et les efforts entrepris porteront leurs fruits dans un avenir proche, pour améliorer la vie des femmes, des hommes, des enfants et des jeunes à travers le Yémen. Je compte continuer à servir le peuple du Yémen, à contribuer à changer leur vie pour qu’un jour, je puisse rendre un peu de ce qui m’a été offert.

 

 


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